LES PANIERS DE YOLANDE

LES PANIERS DE YOLANDE

SOUVENIRS D'ENFANCE

PAQUES

Je me souviens de la période de PAQUES en ALGERIE.

Il y avait trois choses importantes :

 

1 - Nous devions obligatoirement "faire nos Pâques"

 

2 -         C'était la préparation de la « mona », le gâteau de pâques.

 

3 -         La Réunion de famille.

 

 

 

LA MONA

 

Le vendredi saint c'était branle-bas de combat dans les familles.

Chacune devait préparer la « pâte » (au levain) et chaque famille gardait jalousement sa recette ! il ne s'agissait pas de communiquer quoi que ce soit aux voisins !

 

Je revois mon père qui pétrissait la pâte de ses deux poings fermés (car on disait que la manière de pétrir faisait pour moitié dans la réussite du gâteau !)

 

Chez nous, on y mettait plusieurs parfums : zeste d'orange et zeste de citron, sans oublier le petit verre d'anisette pure (ma mère disait que c'était cela le secret du goût incomparable de son gâteau !)

 

Pour les enfants, on plaçait un œuf dans sa coquille sur le dessus de la mona. Et pour nous c'était un supplice de tantale car cette mona à l'œuf on ne pouvait pas la manger le vendredi saint car on devait « faire maigre » ce jour-là ! (pas de viande, ni de poisson, ni d'œuf….) cela aurait été un péché !

 

On avait tous les mains dans la farine. C'était la joie !

 

Il fallait laisser « monter » la pâte. Gare aux courants d'air !

 

Ensuite, toutes les femmes du quartier se retrouvaient dans l'antre du four du boulanger.

Le boulanger attribuait une « plaque » à chaque famille. On y mettait un papier avec notre nom.

C'est dans la pièce même où se trouvait le four que les femmes mettaient en forme chaque mona (cela ressemblait à une grosse brioche ronde).

Elles les plaçaient sur la plaque du boulanger. Puis avec des ciseaux, on coupait le dessus en croix, on badigeonnait d'œuf battu, plus quelques grains de sucre concassés. Sans oublier l'œuf entier pour les enfants.

Et on laissait « monter » à nouveau dans l'ambiance chaude du boulanger.

C'était quelque chose que ce défilé chez le boulanger !

 

Et l'attente en papotant pendant que la pate « montait », sans quitter de l'œil « sa » plaque !

 

Puis le boulanger lui-même enfournait les plaques.

Ah ! la fierté de ma mère quand sur SA plaque SES monas étaient bien gonflées !

 

La honte était pour celles qui avaient fait « tchouffa », c'est-à-dire qui n'étaient pas montées, qui étaient raplapla ! On se moquait ! « elle ne sait pas faire la pâte ! » (mais on ne lui dira rien !)

 

Les secrets se transmettaient de mère à fille….. et chaque année c'était toute une histoire cette recette !

 

Ma mère en faisait 5 kgs car ce gâteau se conserve longtemps. J'ai encore le parfum… et le goût dans la bouche…

 

Je ne fais pas de mona pour pâques parce que, cuite à la maison, cela ne ressemble à rien par rapport à celle cuite dans le four du boulanger….

 

C'était la fête.

 

L'excursion familiale

 

Et le lundi de pâques, nous allions pickniquer à Sidi-Ferruch.

 

C'était une plage et autour il y avait une forêt de pins. Idéal pour le repas.

Il y avait les tantes et les oncles et tous les cousins, mon grand-père et ma grand-mère. en fait, toute la famille du côté de ma mère, origine espagnole). Et chaque tante (elles étaient 4), faisait goûter SA mona. C'était le dessert obligé de ce jour-là. (Celle de ma mère était la meilleure ….)

 

En général aussi c'était ce jour-là notre premier bain de mer de l'année.

 

Nous aimions beaucoup manger sur la plage . Nous les enfants, on apprenait très vite à ne pas manger du « pain au sable »…

 

On campait aussi sur la plage. Les garçons plongeaient pour nous ramener des oursins. Dans les rochers nous décollions au couteau des arapèdes que l'on mangeait sur place.

 

Les hommes n'oubliaient jamais l'anisette. On mettait l'eau à rafraîchir dans des gargoulettes de terre cuite que l'on entourait de chiffon mouillé et que l'on plaçait « en courant d'air » : très efficace !

 

On mangeait aussi du pain espagnol et de la soubressade. Des poivrons au vinaigre ou des olives cassées (ma mère les faisait dans de grandes jarres).

 

 

 

 

Dans les dunes et les roseaux, on ramassait de petits escargots blancs que ma mère appelait des « caragolines », on les faisait jeûner 3 jours, puis on les cuisait avec des tomates et des poivrons, bien pimentés ! c'était bon !

 

J'aimais aussi nos réunions de famille où tout le monde chantait – en français ou en espagnol – sans oublier mon oncle corse qui ne manquait jamais de chanter « Napoléon » et « je suis corse, ma dounache et puis voilà ». Nous chantions avec lui !

 

Quand nous étions en difficulté financière, ma mère allait sur les marchés vendre ses poivrons au vinaigre et ses olives cassées.

Nous préparions les olives en famille. C'était des olives vertes, on tapait dessus avec un caillou pour les casser, puis on les mettait dans la saumure avec du fenouil et d'autres herbes. Cela faisait les doigts tout noirs !

 

ALGER la blanche et son soleil !

 

Il y avait aussi les séances de lessive sur la terrasse de l'immeuble où nous habitions. Dans ce quartier, tous les toits des immeubles étaient des terrasses.

 

LA LESSIVE

 

Chaque locataire de l'immeuble avait « son jour » de lessive. Ce jour-là on avait accès à la terrasse située sur le toit de l'immeuble. On y montait par l'escalier et on avait la clé pour ouvrir la porte.

 

C'était la joie des enfants ! on courait pieds-nus sur les tomettes rouges. C'était chaud sous les pieds !

 

On jouait avec l'eau aussi. Il y avait la buanderie, c'était un petit local avec deux grands bassins profonds. Dans l'un, ma mère mettait le linge à tremper, dans l'autre on lavait. On frottait le linge au savon de marseille sur une planche de bois : la planche à laver qui n'était pas lisse, mais avait des « vagues » en relief. Elle se servait aussi d'une brosse à laver.

 

Dans un coin de la buanderie, il y aviat la chaudière. C'était un grand chaudron noir que l'on remplissait d'eau, puis on allumait le feu de bois en dessous.

 

C'est là-dedans que ma mère faisait bouillir « le blanc ». On le remuait avec un grand bâton (en général un manche à balai) dont on se serait aussi pour le sortir de l'eau bouillante !

 

Ma mère était fière de SA méthode pour tordre le linge ! le drap était plié en deux, puis elle faisait de grands tourbillons avec dans l'eau, ce qui le faisait s'enrouler sur lui-même, il n'y avait plus qu'à finir de le tordre à la main ! très efficace ! Puis le linge était étendu dehors sur les fils de fer galvanisés qui traversaient toute la terrasse.

 

Le linge séchait ainsi au soleil.

La lessive durait toute la journée. Mais c'était une joyeuse journée ! j'en ai gardé le goût d'étendre le linge dehors, au soleil : pour moi c'est un réel plaisir.

 

C'est aussi sur cette terrasse que mes parents refaisaient nos matelas. Il s'agissait de laver la toile à matelas et aussi la laine qui était à l'intérieur. Quand elle était sèche on passait du temps à la regonfler (carder) à la main en la tirant dans tous les sens. J'aimais faire ça. Ensuite, mon père, avec une grande aiguille à matelas refaisait les bourrelets tout le tour et piquait dans le milieu, tous les 3O cm environ, pour refaire le matelas.

 

Je me souviens d'une nuit où je me suis réveillée en hurlant : une aiguille était restée dans le matelas et s'était plantée dans mon genou (du côté du chas) ! mon père l'a retirée avec une pince….

 

Les spécialités et les jeux

 

Il y avait aussi les « raviolis de la tante Thérèse », dits à la maltaise, car mon oncle Roger était maltais. Elle faisait elle-même la pâte fraîche, puis la farce aux 5 fromages différents. Elle y passait la matinée ! Il suffisait de deux raviolis pour remplir l'assiette.

C'était la fête ! on se régalait !

 

La spécialité de ma mère c'était les « cocas », ces chaussons farcis de « fritanga* » (tomates + poivrons).

 

 

On se régalait aussi de « mantécaos* », gâteaux faits de graisse et de farine, à la cannelle.

 

Sans oublier le gigot du dimanche ! ce qui nous permettait d'en récolter l'osselet de l'articulation et quand on en avait 5, c'était les grandes parties d'osselets ! J'étais très habile à ce jeu. Bosse, trou, valet, roi !

 

On jouait aussi de la même manière aux « roseaux » que l'on fabriquait nous-mêmes en coupant un roseau en 4. Il fallait 5 bâtons dont on avait coupé les deux extrémités en pointes. On les lançait et on les rattrapait sur le dos de la main. Pour gagner, il fallait les déposer un par un, tous du même côté (bosse ou creux) du dos de la main sur la table (ou plutôt sur le sol, car on y jouait dans la rue.)

 

J'aimais aussi gambader dans l'immense et magnifique « Jardin d'essai » qui était juste derrière chez moi. On y trouvait toutes sortes d'arbres rares, de plantes et de fruits exotiques. On chipait des cocosses ou des caroubes.

 

C'était le temps de l'insouciance.

 

 

 

* voir les recettes pied-noir ici :

http://www.cuisine-pied-noir.com 

 



08/06/2007
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